Une région frontalière en transition : tisser des liens avec le milieu universitaire ukrainien

30 June 2020

Grâce à un don de la Temerty Foundation à Toronto, KBF Canada finance un projet de recherche scientifique d’une durée de quatre ans avec l’Institut des sciences humaines de Vienne en Autriche (Institut für die Wissenschaften vom Menschen ou IWM).

Ce projet s’intitule « Ukraine in European Dialogue » (L’Ukraine dans le dialogue européen) et a pour but d’améliorer la qualité du savoir et de la réflexion intellectuelle autour de l’Ukraine, en l’intégrant dans le contexte plus général de l’Europe. « Il est absolument impossible de raconter l’histoire de l’Europe sans tenir compte de l’Ukraine », explique la directrice de recherche Katherine Younger.

Katherina Younger,
directrice de recherche IWM

Une plateforme d’échanges intellectuels

L’IWM est un institut indépendant d’études avancées en sciences humaines et sociales créé vers la fin de la Guerre froide. Cet établissement s’appuie sur une longue tradition de solidarité et d’échanges avec des sociétés d’Europe orientale en transition. Depuis 2015, la rectrice de l’IWM Shalini Randeria donne une dimension plus globale à l’institut. « L’Ukraine comble en quelque sorte ce fossé ; elle poursuit cette tradition de solidarité avec l’Europe de l’Est, mais sa réalité s’inscrit dans des thèmes importants pour l’histoire du monde en général », indique Katherine Younger.

Le projet scientifique est né en 2015, dans la foulée de la révolution de Maïdan. « Nous avons compris à l’époque que l’Ukraine était une sorte de terrain d’essai pour des questions qui deviendraient des préoccupations majeures du monde en général », explique Katherine Younger. « La guerre hybride, la propagande de l’information, le phénomène des fake news, tous ces aspects ont déjà été abordés par les Ukrainiens avant même qu’ils ne soient au centre de la conscience collective ailleurs dans le monde. »

Le partenariat conclu avec KBF Canada au milieu de l’année 2019 a donné au projet le soutien dont il avait besoin. « KBF Canada est le partenaire idéal pour nous, car tout est parfaitement organisé pour gérer des situations exactement comme la nôtre, où nous travaillons dans plusieurs contextes internationaux », confie Katherine Younger.

Un apprentissage mutuel

Grâce à un système de bourses, ce projet aide des intellectuels ukrainiens à créer de nouveaux réseaux indispensables pour mener à bien des efforts de réforme et bâtir un État souverain de droit. Les chercheurs qui participent à ce projet s’illustrent dans tout un éventail de disciplines, notamment l’histoire, les sciences politiques et l’anthropologie. Au sein de l’IWM, ils ont la possibilité de rencontrer des homologues et d’éminents universitaires spécialisés dans leur domaine de prédilection et venus des quatre coins d’Europe, en trouvant de nouvelles façons d’inscrire les réalités ukrainiennes dans le contexte mondial général.

Ce projet permet aussi à des universitaires européens d’aborder la question de l’Ukraine et d’entrer en contact avec des universitaires ukrainiens, souvent pour la première fois. « Du côté européen, nous avons notamment remarqué que l’histoire de l’Ukraine est bien plus compliquée que ce qu’il y paraît souvent dans les médias », explique Katherine Younger. Cette initiative permet à des universitaires d’Europe et d’Amérique du Nord de se faire une idée de la dynamique ukrainienne qui est importante pour le présent et l’avenir de l’Europe. « Nous avons autant à apprendre des Ukrainiens qu’ils ont à apprendre de nous tous », affirme Katherine Younger. « Il existe une nouvelle génération et une initiative inédite pour transformer la politique et la société ukrainiennes. Les universitaires en ressortent très stimulés. Beaucoup d’entre eux me disent que cela leur donne de l’espoir pour l’Europe au sens large. »

Des événements novateurs

En décembre 2019, l’IWM a accueilli la conférence de clôture de l’année culturelle bilatérale Autriche-Ukraine, qui était consacrée à l’histoire moderne de la région située entre Vienne et Kiev. Cette conférence a remporté un franc succès. « Il existe des mouvements multidirectionnels de personnes, d’idées, d’objets », explique Katherine Younger. « Ces interactions complexes profitent aux deux parties. »

Cette conférence novatrice et historique a rassemblé des universitaires venus des quatre coins d’Europe et suscité beaucoup d’intérêt grâce à son programme public. Le projet de dialogue permet d’assurer le suivi de nouveautés exposées lors de la conférence et de préparer un autre colloque de grande envergure en 2021. Dans le même temps, l’IWM continuera d’organiser des événements, des discussions et des séminaires de plus petite envergure qui réuniront des chercheurs et seront ouverts au public. Ces derniers temps, l’institut a aussi organisé davantage d’événements en ligne en raison de la pandémie à COVID-19.

Bien plus qu’une politique de pouvoir

Grâce à ses recherches, à ses publications et à ses événements, le projet permet de procéder à un examen scientifique plus approfondi d’un pays dont le passé complexe et la société unique vont bien au-delà de la lutte de pouvoir actuelle entre l’Europe occidentale et la Russie. « Il est pour moi primordial que l’Ukraine et les Ukrainiens aient leur mot à dire dans toutes ces discussions », affirme Katherine Younger. « Nous essayons de rappeler aux gens que l’Ukraine est un lieu à part entière et que ses propres préoccupations dépassent les grandes questions de géopolitique. »

Katherine Younger elle-même se consacre à l’étude de l’Ukraine depuis qu’elle a visité ce pays pour la première fois à l’âge de quinze ans. Aussitôt séduite par la confluence de l’empire russe et de celui des Habsbourg, du catholicisme et de l’orthodoxie, elle a ensuite obtenu un doctorat en histoire. À la question de savoir pourquoi elle trouve l’Ukraine si captivante, Katherine Young a répondu : « j’étais fascinée par ce pays qui est en quelque sorte une zone intermédiaire, une région frontalière, un lieu où se heurtent et se rejoignent une multitude de courants différents, ainsi que par la manière dont la population locale se penche sur ces courants et s’efforce de les adapter à sa propre réalité ».