Santé mentale des personnes vulnérables en Ouganda

20 March 2023

Depuis 2018, l’organisation Golden Centre for Women’s Rights Uganda (GCWR) travaille à promouvoir et protéger les droits à la santé, économiques et sociaux des femmes réfugiées, travailleuses du sexe, personnes LGBTQI+, et des adolescentes et jeunes femmes en zones rurales et péri-urbaines de l’Ouganda. Leurs activités se consacrent notamment à soutenir ces communautés vulnérables à travers la prestation de soins de santé, avec un accent fort sur le soutien en santé mentale.

En effet, à ce jour, le pays ne dispose pas de lois récentes ou de plan stratégique global sur la santé mentale. Par ailleurs, les professionnels de santé ne reçoivent que très peu de formations dans ce domaine et rares sont les individus qui utilisent ces services. Les principales barrières à cela sont la pauvreté extrême, le manque de sensibilisation et la stigmatisation. La dépression, l’anxiété et un stress élevé sont pourtant les premières causes de troubles de santé mentale en Ouganda.

Atelier de sensibilisation à la santé mentale

C’est pourquoi, grâce à une donation de Madiro, en collaboration avec la Fondation de Gillian et Adrian Schauer, KBF CANADA a travaillé avec GCWR en 2022 sur un projet de soutien en santé mentale pour les personnes vulnérables, en particulier au sein de la communauté LGBTQI+ et des travailleuses du sexe.

« Il y a un an, mes parents m’ont déshérité lorsque je leur ai annoncé que j’étais gay. C’est triste d’être abandonné par les personnes qui sont à l’origine de ton existence. Depuis, je me suis isolée des autres. J’ai dû trouver refuge chez une amie qui avait aussi des difficultés à payer ses factures. Quand une personne de GCWR m’a contacté grâce à cette amie, cela m’a donné un sentiment d’appartenance. Voir des gens partager leur douleur m‘a convaincu d’une chose. JE NE SUIS PAS SEULE. »

Atelier de sensibilisation à la santé mentale

Redonner confiance et déstygmatiser la santé mentale
Le projet a soutenu un Centre de crise communautaire de santé mentale, des sessions de guérison, de la formation et sensibilisation, ainsi que des ateliers de yoga et d’artisanat, tous dans le but d’aider les bénéficiaires à exprimer et à gérer leurs troubles mentaux.

« Être né différent est difficile en Ouganda. Tu n’es pas seulement stigmatisé par tes proches mais aussi par toi-même. C’est dans les  espaces comme ceux-ci que tu te sens enfin libéré et aimé. »

240 personnes ont pu bénéficier de ces sessions et 250 kits de bien-être ont également été distribués. A l’intérieur, une peluche pour exprimer ses émotions, des perles pour relâcher les tensions, une bougie parfumée pour réduire l’anxiété, un carnet pour écrire et comprendre ses ressentis, et des cartes d’affirmations positives pour s’encourager et se redonner confiance. 3 sessions de sensibilisation à la santé mentale ont également été organisées et ont atteint 60 personnes membres des communautés vulnérables, dont du personnel soignant et les amis et familles de ceux éprouvant des troubles en santé mentale.

« Ce projet a été le début de mon voyage vers la guérison. Je savais que le stress et les difficultés faisaient partie de la vie, mais je ne savais pas comment vivre avec. Ce projet m’a donné l’opportunité de savoir gérer cette anxiété. »

Shira et des membres de GCWR au Carnaval sur la santé mentale

En octobre, GCWR a organisé un Carnaval sur la santé mentale qui a regroupé 55 membres, célébrant ainsi leur résilience, et encourageant le partage de témoignages et d’actions innovantes en santé mentale afin de lutter contre la stigmatisation. L’objectif de ce carnaval était d’en faire un espace d’expression libre, sans jugement, de guérison, de célébration et de soutien.

« Cela faisait longtemps que je ne m’étais pas sentie aussi bien. J’avais besoin de cet espace. »

« C’est mon vœu le plus cher qu’un tel évènement se reproduise chaque année. »

Un projet à fort impact

L’impact des activités organisées fut extrêmement positif malgré les nombreuses difficultés rencontrées. En effet, l’homosexualité étant encore illégale en Ouganda, les membres de GCWR subissent régulièrement des menaces et du harcèlement, jusqu’à en avoir peur pour leur vie.

Shira et des membres de GCWR au Carnaval sur la santé mentale

« Dernièrement, il y a une vague de haine et beaucoup de chantage envers la communauté LGBTQI+ et plus généralement envers les organisations qui servent ces communautés. Je continue de recevoir des appels de menaces. » explique Shira Natenda, directrice exécutive de GCWR. « Cela fait beaucoup! […] Il y a énormément de négativité et de haine sur nos réseaux sociaux et à la télévision. Cela cause de la détresse émotionnelle et violence envers les communautés LGBTQI+. »

Si le projet est désormais terminé, GCWR ne cessera néanmoins pas ses activités. Au contraire, il mettra à profit ce qu’il a appris des expériences et défis vécus jusqu’à maintenant. Une évolution des positions sur le sujet de la santé mentale a déjà été remarquée chez les proches de ces communautés vulnérables. Et même si la route sera longue et difficile, voire périlleuse, tout le travail effectué, servira, comme le précise Shira, de fondation au changement.

Nouvelles de l’organisation

Depuis le Canada, il est parfois difficile de comprendre et réaliser à quel point ce travail est difficile. Néanmoins, certains évènements nous en font durement prendre conscience.
En effet, seulement quelques jours après avoir finalisé cet article, nous avons appris que le parlement Ougandais avait adopté une loi qui criminalise toute personne s’identifiant comme LGBTQI+, en introduisant une peine de 10 ans de prison.

Nous avons tout de suite contacté GCWR, qui nous a expliqué que la situation s’était en effet exacerbée avec une volonté du parlement Ougandais et des chefs religieux de combattre l’homosexualité.

« Un major-général a déclaré publiquement que les personnes LGBTQI+ se verraient désormais refuser l’accès aux services de santé par tous les hôpitaux gouvernementaux. Cela a très négativement impacté les personnes et les organisations affiliées aux communautés LGBTQI+. L’accès aux soins est devenu difficile, » nous explique Shira.

Elle ajoute également, « Nous avons enregistré plusieurs arrestations, évictions et raids illégaux, ainsi que des assignations et inspections brutales de la part de la police et du conseil local. Les chefs religieux ont organisé des marches et croisades contre l’homosexualité. Cette situation ébranle les accomplissements que nous avons réalisés ces dernières années pour assurer la protection des droits LGBTQI+ en Ouganda. »

KBF CANADA apporte son soutien à tous les individus et communautés LGBTQI+, et au besoin urgent à l’égalité des droits pour tous, conformément à nos valeurs organisationnelles.

Pour plus d’information, contactez KBF CANADA à [email protected]